J'aurais du rester couchée ce matin ... [pv Alou]

Je ne sais pas ce que les élèves ont à être indisciplinés à ce point. Si on n’était pas en pleine période chaude, je croirais qu’il se prépare une tempête de neige. Je soupire, relève mes manches et relâche le bouton de l’interphone. Et puis d’abord, pourquoi c’est toujours moi qu’on appelle dans les cas de bagarre ? Je suis infirmière, pas médiatrice. Moi, on devrait venir me voir APRÈS les faits. Pas avant, ni pendant. Je bougonne un peu. Moi qui venais tout juste de parvenir à un état de concentration presque acceptable pour remplir la paperasse … c’est raté maintenant. Je vais devoir tout recommencer. Je me lève, m’étire avec lenteur. Dans le secteur des casiers, hmn … Probablement deux amis qui veulent se montrer leur force respective. Eh bien ils vont tâter de la mienne. Ce fou d’Andrew ne veut pas y aller ? Ils auront affaire à moi.

Après m’être résolue à sortir de mon bureau calme pour aller plonger dans le centre de l’agitation, je sors du local. Je prends mon temps. Plus les élèves se sont pris de coups dans la bagarre, plus ils sont faciles à séparer. Ils sont fatigués, n’y voient plus très clair. Si ça n’était que de moi, je les laisserais s’amocher, régler leur compte, et ensuite je leur offrirais leur retenue commune. Les jeunes ont besoin de se défouler, et j’arrive très bien à le comprendre. Je me souviens de l’époque où j’étais moi-même étudiante. J’avais toujours besoin de me dépenser et le meilleur moyen que j’avais trouvé, c’était de me chamailler avec mes camarades masculins. Les professeurs ne comprenaient pas que ce n’était qu’un jeu. Ils n’ont jamais compris cela et ne le comprendront probablement jamais.

J’arrive sur les lieux, et entends des cris, des couinements, des imprécations. Je soupire. Je me serais attendue à tomber sur Rusty. Mais les bruits de bagarres étaient plus légers, moins durs. Des filles. Bon sang… Ce que j’aimerais être encore dans mon bureau. Je me fraie un chemin dans la marée étudiante qui s’est rassemblée pour regarder le spectacle.

-Barrez-vous, rien à voir, laissez-moi passer. Vous ne devriez pas être ailleurs ? S’il-vous-plait ! De l’espace !

Tout le monde se pousse enfin pour me laisser la place et j’arrive au centre de l’attention. Le noyau de ce cercle. Deux étudiantes sont en train de se tirer les cheveux, de se griffer et de se menacer de toutes les choses les plus absurdes et inoffensives. Je lève les yeux au ciel. Ça attire l’attention sans même savoir se battre. Je m’approche de plus près et leur pose à chacune une main ferme sur l’épaule pour les écarter l’une de l’autre sans trop de ménagement. Elles essaient d’avancer encore un peu mais je les retiens fermement, sévère.

-Je ne veux pas savoir laquelle de vous deux a commencé. J’aimerais d’abord savoir qui vous a appris à vous battre avec autant de grâce que deux sauterelles en rut !